(La
balade de Regin)
Le
Reginsmal est trouvé dans le Codex Regius à la suite du
Gripisspo. Le titre
de Reginsmal est un ajout postérieur car on ne le trouve pas
dans le texte, où seul est mentionné qu’il soit celui de Sigurd.
Ainsi on trouve parfois la balade de Regin, d’autre fois le
Lai de Sigurd.
S’il est
sans titre cet écrit semble également être une compilation de
plusieurs poèmes : Le Fafnismal, le Sigrdrifumal et
une insertion d’une partie du Gripisspo et du Sinfjotla.
Ainsi
plusieurs versions ont donné un texte unique dans la continuité avec
plus ou moins de raccordements heureux ou non !
Les 26
strophes du poème présenté ici semblent appartenir à la légende de
Sigurd telle qu’elle était connue dans le Nord. Ainsi les
références mythologiques de la poésie rendent compte en effet de
cette référence au monde nordique.
En outre
cette légende est daté plus ou moins avant l’an 1000 de l’ère
Païenne…
La Saga
Sigurd,
au début de cette histoire, se rendit aux écuries d’Hjalprek pour y
choisir un cheval à son intention qui, bien plus tard, porta le nom
de Grani. Au même moment Regin, le fils d’Hreithmar s’était rendu à
la Halle d’Hjalprek ; il était plus malin et ingénieux que tout
autre homme, peut-être à cause de sa lignée, celle des Nains ; il
était sage, féroce et habile dans l’art de la magie.
Regin
avait pris en charge Sigurd, l’éveillant à la connaissance, l’aimant
également comme un frère. Il avait narré l’histoire des ancêtres de
Sigurd mais également ceci :
Autrefois Odin, Hönir et Loki firent une halte prés des cascades d’Andvari,
l’eau y étant riche de poissons. Andvari était un Nain, qui
demeurait depuis longtemps sous cette chute d’eau par la forme d’un
brochet y trouvant là sa nourriture.
"Otr
était le nom de notre frère" dit Regin.
"Qui
souvent plongeait sous la chute d’eau par la forme d’une loutre ; un
jour il se saisit d’un saumon, remonta plus haut sur la rive et le
dévora les yeux fermés. Alors Loki, derrière lui, lui lança une
pierre, le tuant ! Les Dieux pensèrent que le Mauvais avait eu une
sacrée chance et ils dépouillèrent de sa peau l’outre. Au même soir
ils cherchèrent une couche à la Halle d’Hreithmar à qui ils
montrèrent leur butin de chasse.
Alors
nous les saisirent et leur demandèrent, comme rançon contre leur
vie, de remplir la dépouille de l’outre par de l’or et, de plus,
d’en recouvrir la peau extérieur d’or rouge. Alors ils envoyèrent
Loki trouver l’or ; il alla à ce dessein visiter Ran pour lui mander
son filet. Retournant aux chutes d’eaux d’Andvari, il tendit le
filet devant le passage d’un brochet qui, en sautant, s’y entrava."
Alors
Loki dit :
1*
"Quel
est donc le poisson qui cours dans les flots
Et qui
ne peut se défaire de son funeste sort ?
Si vous
désirez racheter votre tête promise à l'enfer
Trouvez
pour moi la Flamme de l'Eau !
2
(Le
poisson se révèle être Andvari lui-même !)
Je suis
Andvari, Oin était mon père,
Et je
viens des plus lointaines chutes d'eau ;
Une
Norne maléfique, dans les jours anciens,
M'a
condamné à vivre dans ces eaux.
3
(Loki
suspicieux)
Dites-moi, Andvari, vous qui avez toujours fouiné
Et vécu
sur la terre des Hommes,
Quel est
le prix à payer pour les fils des Hommes
Qui se
font la guerre avec des paroles mensongères ?
4
(Andvari
répond)*
Un lourd
prix doivent s'acquitter les Hommes
Qui
pataugent dans les eaux du Valthgelmir ;
Sur une
longue route mène les paroles mensongères
Adressées par l'un pour y pousser l'autre !
Alors Loki aperçut tout l'or amassé par Andvari.
Pourtant quand ce dernier lui apporta toute sa fortune, il tint plus
en arrière un étrange anneau. Et bien sûr Loki s'en empara aussitôt.
Alors le Nain retourna se terrer dans son trou rocheux lançant une
dernière menace :
5*
Maintenant l'or qui fut celui de Gust est désormais vôtre
Et il
apportera bientôt la mort aux frères jumeaux,
Et le
maléfice sur les huit héros qui le posséderont ;
Aucune
gloire ne gagnera aucun homme sur la richesse qui faisait mon
bonheur !
Alors plus tard les Dieux donnèrent à Hreithmar l'or,
l'utilisèrent pour remplir la peau de l'outre et la dressèrent sur
ses pieds ! Puis les Dieux dissimulèrent l'or sous la dépouille.
Une fois
fait, Hreithmar revint vers eux n'y voyant là qu'une simple loutre à
moustaches, leur demandant alors de la recouvrir d'or. Alors Odin
pris l'anneau Andvaranaut et le coiffa sur les cheveux de l'animal
empaillé. Puis Loki parla :
6
L'or est
ainsi donné et important fut son prix mandé
Par vous
pour sauver ma tête ;
Mais la
Fortune ne sera jamais trouvée par vos fils
Et
l'anneau sera le fléau des deux !
7
(Hreithmar
menaçant)
Vous
avez certes fait don de ces richesses mais point de bon gré
Et pas
plus donné de bon cœur ;
En ce
lieu vos vies auraient été certainement perdues
Si
j'avais eu connaissance plus tôt de ce funeste destin !
8
(Loki, à son habitude, renchérit)
Bien
pire je pense pouvoir voir au-delà
Et pour
l'or les parentés déchireront leurs pactes ;
Les
héros nés de ces lignées, soyez sur de ce fait,
Je puis
considéré comme condamnés à la même malédiction !
9
(Hreithmar
sans peur)
Je
régnerai sur cet or rouge, je le crois,
Aussi
longtemps que je vivrais ;
Je ne
crains aucune traîtrises ni malédictions,
Alors
sur ceux, retournez donc d'où vous venez !
Pourtant quelque temps après, Fafnir et Regin
demandèrent une part de la fortune demandée en rançon par Hreithmar
pour le meurtre de leur frère, Otr. Bien sûr le père leur refusa
cette demande. Sur ce Fafnir, pendant qu'Hreithmar dormait, lui
transperça le corps de son épée ! Alors l'agonisant fit appeler
avant de mourir ses filles :
10
Lyngheith et Lofnheith, sauvez mon âme qui s'en va
En
répondant à mes dernières volontés !
Lyngheith prend la parole :
Bien
qu'une sœur perde son père ainsi, rarement
Elle
apportera la vengeance à l'encontre de son propre frère !
11
(Hreithmar
dans un dernier râle)*
Si une
femme avec le cœur d'un loup n'a point porté
De fils,
alors avec le brave héros elle donnera une fille ;
Quand
celui-ci s'unira avec la vierge, par cette dernière et puissante
volonté,
Leur
fils pourra alors aller me venger de cette malédiction !
Sur ces mots mourut Hreithmar et Fafnir lui déroba
tout son or. Sur quoi Regin, à son tour, lui manda la part
d'héritage de leur père. Mais bien sûr Fafnir refusa. Ainsi Regin
alla demander conseil à sa sœur, Lyngheith, sur la manière de
récupérer son legs :
12
Avec
bonté et sagesse vous irez demander aide à votre parent
Pour
reprendre la Fortune de votre frère et plus encore :
Alors,
avec son épée, il ira chercher
Le
trésor de Fafnir !
De tous ces évènements Regin fit donc part à Sigurd.
Et un
jour quand ce dernier alla visiter la Halle de Regin, il fut très
chaleureusement accueilli par ces mots :
13*
Enfin
voici le fils de Sigmund venu,
L'impétueux héros, ici dans notre Halle ;
Son
courage est plus grand que tous les anciens Hommes,
Et en ce
Loup Robuste je place tous mes espoirs pour le combat !
14*
Ici j'ai
loué le courageux Prince,
Désormais héritier d'Yngvi, pour qu'il vienne à nous ;
Le plus
noble des Héros béni des cieux
Qui de
tous les fils de la destinée est celui qui conquérra toutes les
terres !
Alors Sigurd fut longtemps accompagné de Regin qui lui
rapporta toute l'histoire et que Fafnir reposait à Gnitaheith, sous
la forme d'un Dragon ! Il était recouvert d'un Heaume de Terreur par
lequel il terrifiait toutes créatures vivantes. Regin forgea alors
pour Sigurd une épée qui fut nommé Gram ; elle était si acérée qu'il
laissa en amont dériver une large bande de laine dans le Rhin, y
plongea alors la lame, attendit que le courant amène jusqu'à elle la
laine qui fut tranchée tout du long comme si ce n'était que de l'eau
!
Plus
tard avec cette même épée, Sigurd trancha en deux morceaux l'enclume
de Regin !
Après
cette démonstration, Regin incita Sigurd à aller massacrer Fafnir.
Mais ainsi parla le héros :
15*
Lourds
seront les rires des fils de Hunding
Qui ont
bassement mis a mort Eylimi,
Si
bientôt le héros cherche l'anneau rouge
Plutôt
que de poursuivre la vengeance de son père !
Ainsi Sigurd poursuivit sa quête pour venger son père
aidé par le Roi Hjalprek qui lui fournit une flotte pour battre les
mers. Un orage étrange et terrible les accueillis alors quand ils
naviguèrent prés des côtes où ils devaient accoster.
Pourtant
un homme se dressait sur la falaise, leur hurlant ceci :
16*
Qui donc
ainsi chevauchent les étalons des mers de Raevil,
Par-delà
les vagues dominantes et les flots sauvages ?
Les
Voiliers-Chevaux s'égouttent tous de sueur salée
Et aucun
des Voiliers-Etalons ne pourra résister à ces rafales !
17
(Regin
chahuté par la mer)
Sur les
Arbres-de-Mer moi-même et Sigurd nous nous tenons
Conduit
par les vents orageux nous menant à notre mort !
Les
vagues se brisent en avant sur la poupe
Et l'Etalon-des-Rouleaux
commence à sombrer ; Qui donc mandent ainsi nos noms ?
18
(L'homme
se présente)*
Je fus
Hnikar quand je visitais un jour Volsung,
Réjouissant alors les corbeaux quand le combat fut donné !
Désormais, ici, nommez-moi l'Homme de la Falaise,
Feng ou
Fjolnir ; Laissez-moi maintenant vous rejoindre !
Alors, mystérieusement l'orage s'écarta, s'estompa
même, et ils purent accoster à terre, l'homme montant ensuite à
bord. Sigurd pris la parole :
19
Dites-moi Hnikar, vous qui voyez le destin
Réservé
aux Dieux et aux Hommes :
Quel est
le signe le plus distinct pour celui qui combat
Et le
plus utile pour faire vrombir au mieux les épées ?
20
(Hnikar
dans une longue psalmodie)
Bien des
signes existent si les Hommes voulaient les reconnaître,
Ceux qui
sont bénéfiques aux vrombissements des épées ;
Il est
de bon augure, je pense, si le guerrier rencontre
Un
corbeau noir sur sa route.
21
Un autre
existe, si au-dehors vous allez,
Décidé à
aller plus en avant :
Voir sur
le chemin avant la Halle
Deux
guerriers avides de renommées !
22
Un
troisième est mieux si l’hurlement d’un loup
Vous
entendez venu du sous-bois ;
La
Fortune sera ainsi votre si vous voyez votre ennemi
Avant
que lui-même ne voit le héros !
23*
Un homme
ne devrait pas combattre quand il doit faire face
A
l’éclat de la Sœur de la Lune tardant à se coucher ;
La
victoire ira à celui qui voit clairement
Et qui
mènera ses hommes comme un coin d’ombre dans une effilochure.
24*
Maléfique est le signe concernant votre pied s’il vient à trébucher
Alors
que vous donniez l’assaut au combat !
Les
funestes Déesses seront alors liées de toutes parts
Pour
sceller les blessures qui seront les vôtres !
25*
Peigné
et lavé ira plus avant l’homme sage
En ayant
également pris un bon repas dans sa Halle,
Car il
ignore la veille où il sera le lendemain :
Malheur
est de perdre sa chance !
Fort de tous ces conseils, Sigurd délivra un grand
combat avec Lyngvi, le fils de Hunding, et ses frères. Mais Lyngvi
chuta et avec lui ses frères l’accompagnant !
Après la
bataille Regin parla ainsi :
26*
Maintenant l’Aigle de Sang avec l’épée acérée
Est
gravé dans le dos du tueur de Sigmund !
Peu
seront aussi féroces au combat que l’aura été son fils,
Ensanglantant la terre et réjouissant les corbeaux !
Alors Sigurd revint à la Halle de Hjalprek.
Sur quoi
Regin insista et encouragea Sigurd pour aller combattre Fafnir !
Annales*
Introduction en prose :
Hjalprek : Père d’Alf, beau-père de Sigurd – Regin : Parfois il
est appelé Mimir, d’autres fois Regin le Dragon, plus assurément
un Forgeron et sans doute un Nain ! – Hreithmar : connu dans ce
seul texte – La cascade d’Andvari a parfois été situé dans le
monde sombre de Svartalfheim – Le filet de Ran n’est pas
toujours mentionné dans les légendes.
1* : La Flamme de l’Eau est un Kenning pour imager l’or
peut-être venu du fait qu’Aegir illuminait les eaux des reflets
de son or.
4* : Vathgelmir : Un fleuve nul part qu’ici mentionné.
Prose : L’anneau ici, bien vu par Loki, est la source de tout
l’or qu’il produit chaque nuit égalant l’anneau Draupnir,
peut-être car c’est le même !
5* : Gust est un autre nom d’Andvari – Les jumeaux sont Regin et
Fafnir – Les huit héros semblent être : Sigurd, Gotthorm,
Gunnar, Hogni, Atli, Erp, Sorli et Hamther… les trois derniers
pourraient être les fils de Guthrun et Jonakr ( ?)
Prose : Andvaranaut (La Gemme d’Andvari) : l’anneau unique,
Draupnir, l’anneau des Nibelungen…
11* : La fille de Hreitmar n’ayant pas eu de fils, il l’incite à
avoir une fille pour la marier et qu’elle enfante à son tour un
garçon pour ainsi venger la volonté de son grand-père !
13* : Loup-Robuste est ici Sigurd.
14* : L’héritier d’Yngvi renvoie à Yngvi en tant que l’un des
fils du Roi Danois Halfan l’Ancien, ancêtre de Helgi…
Prose : Garm fut forgée à partir des fragments de celle de
Sigmund donné par Odin.
15* : Selon la légende d’Helgi, les fils de Hunding ont tué
Eylimi qui aurait été le père de la mère de Sigurd !
Prose : L’orage a été apparemment déclenché par la sorcellerie
des fils d’Hunding – L’Homme de la Falaise est Odin lui-même !
16* : Les voiliers-chevaux ou voiliers-étalons, ainsi que les
arbres-de-mer, sont des Kennings pour imager les navires.
18* : Comme à son habitude Odin ne se présenta que sous d’autres
noms quand il vint à Sigmund et Volsung – Feng (Gain ?).
23* : Sœur de la Lune est un Kenning pour désigner le Soleil –
La technique d’attaque décrite comme étant « en coin » est
décrite dans Germania de Tacite comme ayant été donné aux
guerriers par Odin lui-même !
24* : Les Déesses ici peuvent être les Asynes, les Valkyries et
plus certainement les Nornes.
25* : Cette strophe a peut-être était rapporté depuis le Havamal
plus ou moins fidèlement.
Prose : Lyngvi est le fils de Hunding ayant tué Sigmund, jaloux
de son union avec Hjordis – Les frères de Lyngvi sont peu connu,
hormis l’un, Hjorvath.
26* : L’Aigle de Sang était une méthode sacrificiel qui
consistait à ouvrir le dos de son ennemi, lui séparer les
nervures de la colonne vertébral et à en extirper comme des
ailes les deux poumons !
Prose : La conclusion est adaptée en rapport avec l’introduction
du Fafnismal…
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