(ou
Völundarkvitha)
(Le
Lai de Völund)
Le
Völundarkvitha est situé entre le Thrymskvitha et l'Alvissmol dans
le Codex Regius, malheureusement de manière fragmentaire ce qui rend
l’interprétation très difficile et approximative.
On pense
que ce texte a eu pour origine des légendes Saxonnes dés la première
partie du XIIIe siècle et les contes narrant les récits de forgerons
se sont répandues dans toute la Germanie. Ce récit a ensuite atteint
la Scandinavie au IX siècle sous différentes versions où l’on trouve
de nombreuses déclinaisons de Völund : Velent, Weland, Wayland, etc…
.
Dans sa
forme Allemande, on retrouve la forme particulière de référence au
Cygne car l’imagerie collective connaissait bien ces formes-cygnes
par l’intermédiaire des Valkyries décrites sous cette apparence.
D’ailleurs ce n’est sans doute pas un hasard et un lien a du être
tenté pour relier entre-elles les différentes croyances et
représentations.
Enfin,
la teneur du texte est double, à la fois fait de prose et de vers
auquel est ajoutée une introduction, qui est assez rare comme déjà
souligné.
La Saga
Autrefois il régnait en terre de Suède un Roi du nom de Nithuth.
Il avait
deux fils et une fille, cette dernière se prénommant Bothvild. Non
loin de là vivaient également trois frères, fils du Roi des
Finnois : l’un s’appelait Slagfith, l’autre Egil et le dernier
Völund. Ils parcouraient souvent les neiges, chaussés de leurs
raquettes, chassant nombre gibiers.
Ils
vinrent jusqu’en Ulfdalir et y construisirent une Halle sur les
rives d’un lac nommé Ulfsjar.
Tôt, un
matin, ils y surprirent trois femmes filant la laine prés des eaux.
Leurs parures de cygnes étaient à leur côté, trahissant ainsi leur
appartenance aux Valkyries ! Deux d’entres-elles étaient les filles
du Roi Hlothver, Hlathguth la Blanche-Cygne et Hervor la Toute-Sage,
et la troisième se nommait Olrun, fille de Kjar de la région de
Valland.
Les
trois frères les emmenèrent alors à leur Halle.
Egil
pris Olrun, Slagfith emmena Blanche-Cygne et Völund la Toute-Sage.
Là ils demeurèrent plus de sept hivers ! Mais un jour elles
s’enfuirent dans les airs pour retourner aux combats et jamais ne
revinrent.
Alors
Egil chaussa ses raquettes pour poursuivre Olrun et Slafith l’imita
bientôt pour suivre Blanche-Cygne, seul Völund resta en Ulfdalir. Il
était le plus habile des hommes comme ses semblables le narrèrent
plus tard dans leurs légendes. Et, un jour, le Roi Nithuth l’enleva
par la force comme le relate l’histoire suivante :
1*
Venues
du Sud les Vierges survolèrent Mirkwood,
Nobles
et jeunes elles étaient, poursuivant leur destinée ;
Sur les
rivages d’une mer ils s’arrêtèrent pour se reposer,
Elles
les Vierges du Sud, filant alors le lin sur leur rouet.
2
Hlathguth et Hervor étaient les premières, les enfants de Hlothver,
Et Olrun
la Sage était la fille de Kjar.
3
L’une,
dans ses bras, tenait Egil
Tout
contre sa poitrine blanche, cette noble femme.
4
La
seconde, Blanche-Cygne, portant sa parure de cygne,
Pressa
elle-aussi contre sa poitrine Slagfith ;
Et de
ses bras la troisième des sœurs a jeté
Autour
du cou si blanc de Völung.
5
Ensemble
ils demeurèrent alors pendant sept hivers
Et au
cours du huitième leur désir ardent, une nouvelle fois, advint :
(Mais
dans le neuvième celui-ci s’estompa)
Ainsi
repartirent les Vierges venues du bois sombre,
Les si
jeunes damoiselles, poursuivant leur destinée.
6
Völund,
pendant ce temps, revenait de sa chasse,
Lui le
sage archer, suivi par Slagfith et Egil
Qui
trouvèrent alors la Halle déserte,
Y
rentrant et en sortant recherchant partout les traces d’une
présence.
7
A l’Est
partit Egil à la poursuite d’Olrun
Et au
Sud Slagfith partit y rechercher Blanche-Cygne ;
Völund,
seul, resta en Ulfdalir :
8
Il
façonna pendant ce temps des bijoux d’or rouge sertis des plus
nobles gemmes
Mais
aussi des anneaux enchâssés sur des chaînes semblables à des
cordes ;
Ainsi il
attendit longtemps le retour de sa femme,
Du moins
si la noble dame pouvait revenir à demeure.
(Ici
reprend le cours de l’histoire après cette double introduction…)
9
Nithurth,
le seigneur des Njars, appris ces faits
Et que
Völund demeurait seul en Ulfdalir ;
A la
nuit vinrent ses hommes revêtus d’armures de cuir cloutées,
Leurs
boucliers polis reflétant les lueurs du clair de Lune !
10-11
De leurs
selles ils franchirent le pignon du mur d’enceinte
Puis
pénétrèrent à l’intérieur de la Halle ;
Des
anneaux ils trouvèrent pendus à leurs chaînettes
Et plus
de sept cents en fut dénombré, tous appartenant au maître des
lieux !
Pourtant
aucun ne fut pris et ils les laissèrent tous
Hormis
un seul d’entre eux qu’ils emportèrent en partant.
12
Völund,
peu après, revint de sa chasse,
Par des
chemins, sans joie, lui le sage et habile archer ;
Un
morceau de chair d’ours brun il rôtirait bientôt dans l’âtre ;
Déjà le
bois bien séché crépita de belles flambées.
13*
Sur la
peau étendue de l’ours il se reposait puis compta ses anneaux
Et, lui
le maître des Elfes, s’aperçut qu’un d’entre eux manquait ;
Il pensa
que la fille d’Hloverth le détenait
Et que
la Vierge Toute-Sage était revenue de nouveau.
14
Si
longtemps il resta assis qu’il finit par s’endormir
Mais son
réveil fut plus rude et dénué de toute joie ;
De
lourdes chaînes il vit à ses mains
Et
d’autres lui liant les pieds !
15
(Völund
s’interroge à haute voix)
Quels
sont donc les Hommes me tenant ainsi prisonnier,
Entravé
désormais par ces chaînes ?
Alors
Nithuth, le seigneur des Njars, apparaît :
Comment
avez-vous pu posséder vous, Völund, le plus grand des Elfes,
Nos
propres trésors ici en Ulfdalir ?
16
(Völund
s’en défend)
L’or
n’était pas sur le chemin de Grani
Et loin,
je pense, est notre royaume des collines du Rhin ;
J’ai
amassé ici bien plus de trésors encore
Quand,
heureux alors, nous étions tous à la Halle !
17
Sans
pouvoir rester à sa place, la femme de Nithuth le Sage
Apparut
depuis l’autre côté de la Halle ;
Elle se
tint alors fièrement sur le plancher et parla doucement :
Peu
aimable me semble celui venu des bois !
Plus tard une fois revenu à la Halle royale, le Roi
Nithuth offrit à sa fille l’anneau d’or qu’il avait dérobé dans la
Halle de Völung. Lui-même portait désormais au ceinturon l’épée que
le forgeron avait confectionné !
18
(Völund
hors de lui)
La lueur
de ses yeux sembla briller comme ceux des serpents
Et ses
dents grincèrent de colère à la vue désormais
De son
épée et de l’anneau maintenant en possession de Bothvild !
La
Reine intervient de nouveau :
Que ses
tendons soient immédiatement tranchés de force
Et qu’on
l’emmène aussitôt à Saevarstath !
Et ainsi fut fait !
Les
tendons de ses genoux furent tranchés et il fut emporté sur une île
non loin du continent qui se nommait Saevarstath. Là, il forgea et
confectionna toutes sortes de précieux artefacts pour le Roi. Aucun
homme n’aurait osé aller le visiter excepté le Roi lui-même.
Ainsi
Völund se parlait-il souvent tout seul, parfois à voix haute :
19
Au
ceinturon de Nithuth brille l’épée
Que j’ai
affilé finement avec maîtrise et métier ;
(Et
trempé l’acier si dur avec talent et habileté)
Désormais cette lame lumineuse est bien loin d’ici ;
(Jamais
plus je ne la reverrai à retremper à ma forge)
Désormais Bolthvild détient l’anneau rouge ;
(A ma
promise il fut alors ; jamais plus il ne sera maintenant)
20
Il
s’assit alors, sans dormir, frappant sans relâche son marteau
Forgeant
et confectionnant des merveilles pour Nithuth ;
Deux
garçons pourtant s’aventurèrent devant sa porte,
Curieux
de voir ce que renfermait Saevarstath ; ils étaient les fils de
Nithuth.
21*
Ils
s’approchèrent alors d’un coffre, implorant à son maître les clés !
Le mal
fut jeté sur eux quand ils regardèrent à l’intérieur ;
Il
sembla aux garçons qu’un fabuleux trésor y était conservé
Débordant d’or, de gemmes et de pierres précieuses.
22
(Völund
manipulateur)
Venez le
jour prochain, mais venez seuls,
Et à
vous deux je vous donnerai alors tout cet or ;
Ne dites
rien aux femmes ou aux hommes de cette Halle
Ni à
personne que vous viendrez me trouver !
23
(Les
deux frères sont de retour)
Tôt l’un
des frères réveilla l’autre :
Dépêchons-nous d’aller voir les anneaux !
24
Ils
vinrent de nouveau au coffre, implorant à son maître les clés !
Le
mal fut jeté sur eux quand ils regardèrent à l’intérieur ;
Il
frappa violemment leur tête, les décapitant ! Leurs pieds il trancha
et cacha
Dans les
évents noirs de suie de son soufflet !
25
Il
détacha des crânes les cheveux avant de les cacher
Puis les
recouvra d’argent et les fit envoyer à Nithuth ;
De
belles et ouvragées gemmes il confectionna avec leurs yeux
Qu’il
fit offrir à la femme si Sage de Nithuth !
26*
Des
dents des jumeaux il confectionna avec adresse
Une
broche pour la poitrine qu’il envoya à Bothvild ;
Pendant
ce temps Bothvild passait son temps à vanter son si bel anneau, le
montrant tant qu’il s’en scinda ! Alors elle accourut sur l’île du
Forgeron :
27
L’anneau
j’ai brisé
Et je
n’oserai jamais le dire à qui que ce soit !
28
(Völund
avec un rictus malin)
Je
refonderai la brisure d’un si bel or
Que même
votre père n’en trouvera jamais d’une telle pureté,
Que
votre mère en portera davantage d’attention
Et que
vous-même en oublierais le pire !
Alors
l’astucieux Forgeron apporta de la bière jusqu’à ce que bientôt,
dans son siège, la fille du Roi finisse par s’endormir !
29
J’ai
maintenant enfin la vengeance à toutes mes souffrances,
Hormis
l’un d’eux, sur cette mauvaise femme !
30
J’aimerais que mes tendons soient de nouveaux sains
Ainsi
que mes pieds mutilés par les hommes de Nithuth.
Sur
ses paroles, Völund s’attribue l’artefact qu’il a forgé en secret,
d’étranges ailes dont il a terminé la confection sans doute par
quelques ruses*.
31
En riant
ainsi s’éleva dans les airs Völund
Moquant
les pleurs de Bothvild s’enfuyant de l’île
Terrorisé par la future colère de son père et les reproches de son
amoureux.
32
Sans
attendre la présence de la Sage épouse de Nithuth,
Sa fille
traversa toute la Halle vers le Roi ;
Ce
dernier se reposait, las, tout contre un mur extérieur :
Etes-vous réveillé, Nithuth, Seigneur des Njars ?
33
(Nithuth
les traits tirés)
Je reste
toujours éveillé sans jamais plus de joie
Et peu
je dors depuis le massacre de mes fils ;
Glacé
est mon esprit, mornes et froides sont toutes choses !
Je ne
souhaite plus qu'un vœu, celui de parler à Völund.
Völund avait suivi la fille du Roi et survolait désormais la Halle
entendant la supplique de Nithuth…
34
Répondez-moi Völund, le plus grand des Elfes,
Que
s'est-il passé avec mes fils, eux qui étaient si vigoureux alors ?
35
(Völund
tient sa vengeance)*
D'abord
vous devriez maintenant jurez de tous les serments,
Ceux
passés sur la barre des navires et ceux tenus sur les bords des
boucliers,
Ceux
faits sur les garrots des chevaux et ceux engagés par la pointe des
épées,
Qu'à la
femme de Völund vous ne ferez jamais aucun mal
Ni
n'attenterez à sa future mariée le moindre dessein de mort
Et ceci
bien que vous sachiez que j'en ferais ici mon épouse
Et que
nous aurons un enfant dans cette Halle même !
36
Allez
donc trouver la forge que vous avez faite installé
Et
cherchez-y donc le soufflet éclaboussé de sang !
J'ai
décapité là-bas la tête de vos enfants
Et
cachait leurs pieds sous les courroies noircies de suie !
37
J'ai
détaché des crânes leurs cheveux avant de les cacher
Puis les
aient recouvert d’argent et vous les aient fait envoyer !
De
belles et ouvragées gemmes j'ai confectionné avec leurs yeux
Que j'ai
ensuite fait offrir à votre femme si Sage !
38
Et des
dents des jumeaux j'ai confectionné avec adresse
Une
broche pour la poitrine que j'ai envoyée à Bothvild ;
Et
maintenant engrossé est désormais Bothvild,
La seule
fille si chère qu'ils vous restent, à vous et votre femme !
39
(Nithuth
effondré)*
Jamais
vous n'auriez pu dire des paroles plus blessantes pour moi
Et par
ces faits jamais non plus, Völund, me rendre plus amer à la
vengeance ;
Il n'y a
aucun homme assez grand sur son cheval pour vous attraper,
Ou un
assez habile et vaillant archer pour vous atteindre d'en bas
Alors
qu'ainsi dans les airs vous répandez vos viles forfaitures !
40
Alors en
ricanant et se moquant s'éleva davantage Völund
Laissant
dans la tristesse Nithuth assis sur le sol :
41
Alors
ainsi parla Nithuth, Seigneur des Njars, à l'un de ses esclaves :
Relève-toi, Thakkrath, le meilleur des mes Thralls,
Et fais
venir Bothvild, la Vierge à la peau lumineuse
Ornée de
nobles parures, car avec son père elle doit s'entretenir !
42
(On fait
venir la fille du Roi)
Est-ce
vrai, Bothvild, ce que l'on m'a rapporté :
Que sur
l'île vous et Völund aviez couché ensemble ?
43
(Bothvild
honteuse)*
La
vérité vous a bien été rapporté, Nithuth,
Qu'une
fois sur l'île avec Völund j'ai ainsi été abusé ;
Une
seule heure de pêché, hélas a eu lieu !
Trop
faible était ma force contre un tel homme
Et de la
sienne je n'aurais jamais pu m'extraire et m'enfuir alors…
Annexes*
Introduction :
Nithuth (L’Haineux-Amer ?) est ici le Roi de Suède, nommé le
Seigneur des Njars, des Suèdois de la région de Nerike –
Bothvild (Vierge Guerrière) – Le Roi des Finnois renvoie aux
habitants du Lapland ( ?) dont on dit qu’ils connaissaient la
magie (Seidr ?) –
Egil est le frère de Völund – Slagfith ( ?) – Ulfdalir (Vallée
du Loup) – Ulfsjar (Loup de Mer ? Mer du Loup ?) – Valland (La
Terre du Combat) –
1* : Il semble que plusieurs lignes ont été perdu ici – Myrkwood :
nom célèbre d’une forêt sombre et féerique.
13* : Ici Völund est apparenté curieusement aux Elfes.
21* : On retrouve dans le fait de regarder dans le coffre, la
malédiction apportée par l’or et son pouvoir hypnotique.
26* : La strophe n’est pas complète.
Par
quelques ruses :
Ici une partie du texte a été perdu car rien n’explique le
stratagème de Völund et la confection de ses artefacts pour
s’échapper de l’île !
35* : Par la femme de Völund, Völund envisage déjà que Bothvild
soit sienne !
39* : Dans d’autres versions le Roi oblige Egil à tirer une
flèche sur son frère mais ce dernier, touché, a alors
astucieusement placé une outre de sang faisant croire au Roi
qu’il est mortellement atteint !
On trouve d’ailleurs une gravure allant dans ce sens sur un
antique coffre d’ivoire recouvert de Runes !!
43* : Ainsi fut donc la vengeance terrible de Völund !
A
noter que le fils de cette union serait le dénommé Vithga ou
Witege, un héros légendaire…
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